Parler d’Elargissement de l’Union européenne ou de réunification du continent n’est pas indifférent. Dans un cas, on se réfère à un procédé technique, comptable et impersonnel. Dans le second, on fait intervenir l’Histoire et la politique au sens noble du terme. Pour ce qui concerne la Gauche européenne, nous préférons de loin cette seconde approche.
La réunification du Vieux continent a été entérinée le 16 avril 2003 par la signature du traité d’Athènes. La signature de ce document fondamental est intervenue après le vote à une très large majorité de la commission parlementaire des Affaires étrangères du Parlement européen en faveur du retour des 10 pays d’Europe du Centre-est dans la grande famille européenne. Mise à part Chypre, tous ont opté au cours de l’année 2003 pour une ratification par référendum. Loin d’avoir été le désastre que certains auraient appelé de leur vœu, la population a largement approuvé à chaque fois son adhésion. A titre d’exemple, en Slovénie, le “ oui ” à l’adhésion a remporté 89,66% des voix. En Lettonie, pays que d’aucuns qualifiaient déjà d’eurosceptique, le référendum a plus mobilisé que les dernières élections législatives nationales et le “ oui ” a enregistré un très beau 67%. Bref, ils ont rempli leur part du contrat.
Pas plus en France qu’ailleurs de ce côté-ci de l’Europe, la ratification dans les actuels pays membres ne devrait pas donner lieu à référendum et le 1er mai 2004 devrait marquer symboliquement les retrouvailles. En tout état de cause, la consultation des citoyens se fera. Mais, elle sera réalisée indirectement à travers un vote par le Congrès. Face à ceux qui voudraient faire un amalgame avec la Conférence Intergouvernementale (CIG), il est primordial de rappeler ici qu’il s’agit de deux sujets radicalement différents.
Si elle est adoptée, la réforme institutionnelle aura une influence déterminante sur l’équilibre entre les pouvoirs. Malheureusement, il y a encore beaucoup d’incertitudes. La première inconnue, c’est la date d’entrée en vigueur du futur traité à vocation constitutionnelle. S’appliquera-t-il, comme nous le souhaiterions, au lendemain des élections européennes du 13 juin 2004 ou bien faut-il craindre un report jusqu’en 2009 avec le risque d’entraîner l’incompréhension de l’opinion publique ? Ensuite, les gouvernements nationaux vont-ils enfin reconnaître aux députés européens, c’est-à-dire aux représentants directs des citoyens européens, les pouvoirs étendus et de codécision que la Convention européenne a accordé. Dans cette affaire, nous devons rassembler nos efforts pour montrer aux citoyens combien l’avenir de l’Europe passe par sa réunification.
La réunification, nous l’avons dit, aura lieu le 1er mai 2004. De manière factuelle, il s’agit de la 5ème fois dans l’Histoire européenne que l’Union s’agrandit. Mais, par la taille et le nombre de pays concernés, il s’agit d’un vrai changement d’échelle. Nous allons augmenter notre population de 20% en passant de 375 millions aujourd’hui à un peu plus de 450 millions d’habitants. Cette augmentation mécanique de la population de l’Union européenne est un fantastique atout. Il nous permettra de peser face aux 278 millions d’Etats-Uniens ou aux 244 millions d’habitants du Mercosur. En retrouvant progressivement ses contours continentaux, l’Union acquiert par là-même la dimension des grands ensembles géostratégiques du monde de demain.
A l’heure du doute, ce dont nous avons tous besoin, c’est de retrouver l’enthousiasme des débuts de la construction européenne. Quand Français et Allemands, ennemis de toujours, décidèrent de mettre ensemble leur production de charbon et d’acier, industrie de toute guerre.
Etre en faveur de la réunification, c’est vouloir plus d’Europe. Une Europe plus peuplée et plus juste (1), une Europe dont l’économie sera plus forte et plus unie (2), Une Europe où la solidarité, la justice sociale et la tolérance seront au cœur du projet de société et des décisions.
Aleksander Glogowski
(décembre 2003)