
Dans ma chambre d’étudiant, j’avais une petite statue reproduisant « Родина-Мать » (Mère-Patrie) qui, du haut de ses 85 mètres, surplombe sur kourgane Mamaïev la ville de Volgograd.
Ce monument gigantesque symbolise l’esprit de sacrifice, le dévouement ultime, la bataille dantesque entre deux armées aux ressources quasi-illimitées.
Pour ma part, je n’oublie pas que la défense « coûte-que-coûte » de la ville, les combats bâtiment par bâtiment furent aussi l’occasion pour des généraux peu scrupuleux de la vie humaine d’ordonner des engagements totalement inutiles. Ce fut une boucherie. Littéralement, une boucherie.

Aussi, son instrumentalisation contemporaine par les apprentis-sorciers chauvins du Kremlin au profit d’une réécriture à des fins impérialistes doit donner le haut-le-cœur pour qui a lu Nekrassov, pour qui se souvient que les défenseurs héroïques de Stalingrad, étaient des militaires tchouvaches, kazakhs, komis, bachkirs, nénets autant qu’ukrainiens, biélorusses ou russes.
Celui ou celle qui veut se souvenir aujourd’hui de Stalingrad —en ce jour anniversaire de 2 février— doit d’abord et avant tout avoir la guerre en horreur. Il doit prendre la mesure des morts, des destructions, de l’abomination, de la déshumanisation dont la ville fut le scène. Il n’y a ici aucune glorification à en tirer. Seulement des larmes et un profond silence fait de gratitude et de saine répulsion à l’égard du nationalisme.
